Ian Failes du magazine Befores & Afters s’est entretenu avec Matthieu Rouxel, le superviseur des effets visuels sur Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem :
“Le côté crayonné 2D de l’image visait à rappeler les dessins que font les adolescents dans leurs cahiers de devoirs.” explique Rouxel, “Cela signifiait que nous devions apporter des imperfections au niveau des perspectives, des proportions, des contours et éviter autant que possible une sensation numérique dans le rendu final. Pour cela, il fallait aborder cela de manière astucieuse avec un mélange d’éléments en 2D – DMP et effets spéciaux – et d’éléments en 3D, c’est-à-dire que ces éléments devaient être cohérents et lutter contre la nature du rendu 3D”
La cinématographie réaliste était également cruciale pour établir une connexion émotionnelle plus forte avec les personnages, note Rouxel. “Un des premiers défis que nous avons identifié à ce sujet est la complexité d’avoir une caméra très dynamique et imprévisible verrouillée après l’animation des personnages, combinée avec une animation synchronisée et la multitude de traits en 2D ajoutés aux images comme les effets spéciaux dans un calendrier de production exigeant. Nous avons eu la chance d’avoir Kent Seki, directeur de la photographie, et Christin Marineau, superviseur de la mise en scène, qui ont brillamment maîtrisé ce langage de la caméra, tout en étant très communicatifs et collaboratifs avec les équipes.”
Mikros Animation était l’un des studios à avoir réalisé un plan de test pour le film. Il mettait en scène environ 40 secondes d’animation avec Donatello en train de parler. “La consigne globale était assez simple en quelque sorte,” se souvient Rouxel. “Nous devions faire correspondre au maximum la 3D avec la référence en 2D fournie. Jeff Rowe disait que si l’image ressemble à une peinture en 2D lorsqu’elle ne bouge pas, alors c’est bon. Même si la caméra était statique, il était important pour moi en tant que superviseur, dans le cadre du test, de tout construire en 3D, avec des éléments de surface présentés sur des turntables, y compris l’arrière-plan, et de ne pas ‘tricher’ en utilisant de la peinture de matte et des ajouts en 2D pour styliser l’image, même si cela contribuerait beaucoup à l’aspect du film plus tard.”
Ce test a permis à Mikros Animation à comprendre la nécessité d’apporter des développements spécifiques à différents aspects du rendu pour le projet : des shaders stylisés, des courbes et des contours.
En ce qui concerne les shaders stylisés, Rouxel explique : “Nous avons exploré de nombreuses options pour le traitement des personnages et nous construit un prototype de shader en utilisant le toonshader du moteur de rendu Arnold comme base de départ. Le prototype était assez bon pour le test, mais nous savions que nous aurions besoin de développements supplémentaires au vu de l’ampleur du film. Notre objectif était d’obtenir l’apparence d’une peinture en 2D directement à partir du rendu d’éclairage, sans avoir à appliquer de traitement postérieur. Jeff était très précis sur le fait de vouloir éviter l’impression d’un filtre Photoshop.”
“Nous avons rapidement compris la complexité de l’aspect visuel, qui n’était pas simplement un effet de cell shading et devait être différent de l’aspect éclairage précalculé que l’on peut parfois avoir, par exemple, avec Arcane, aussi magnifique soit-il”, poursuit Rouxel, “et que nous aurions besoin de pouvoir ajuster la tonalité et ajouter des éléments graphiques par lumière et/ou groupe de lumières, donnant l’impression qu’elles avaient été peintes une après l’autre avec des traits différents. Nous disposions de sept canaux de lumière pour cela, ce qui était à peine suffisant compte tenu de la complexité de l’éclairage que nous avions souvent.”
Chez Mikros Animation, Marcel Reinhard le Lead développeur en shading/éclairage/rendering, a développé un shader avec lequel les artistes pouvaient isoler les lumières dans le rendu des personnages et des objets et leur appliquer des traitements spécifiques. Cela incluait des gribouillages, des hachures, des dégradés et des transitions de couleurs. “Nous avons également mis en place un shader et un flux de travail dans Katana qui répartissait le travail entre l’équipe de surfacing, avec des préréglages de stylisation, et l’équipe de lighting chargée de la modification des couleurs et de la position des dégradés”, précise Rouxel.
“Même si elle était stylisée, la manière d’éclairer devait être assez réaliste. Aucun éclairage en contour non justifié ou surexposition des personnages pour les rendre artificiellement plus visibles n’était autorisé. C’est ce qui contribue en partie à sa réussite et à sa cohérence avec l’animation.”
Anne-Claire Leroux, la superviseure du surfacing ainsi que son équipe de surfacing des personnages ont utilisé le toonshader de Mikros pour superposer des textures. “Ils pouvaient isoler des motifs et des hachures pour les faire apparaître dynamiquement avec l’éclairage et éviter cette sensation de texture précalculée”, explique Rouxel. “Guillaume Chevet, le superviseur du surfacing de l’environnement, et son équipe ont également fait un excellent travail en évitant d’utiliser des cartes CG classiques ou des bump maps”, ajoute Rouxel. “Cela aurait gâché l’aspect illustratif en apportant une texture réaliste ou des détails à haute fréquence et répétitifs. Cela demandait des compétences de peinture et de créativité très développées de la part de l’équipe pour aborder chaque matériau de la même manière qu’un illustrateur le ferait.”
Parallèlement, une approche basée sur les courbes a été utilisée pour ajouter des traits de crayon par-dessus le rendu. “Ils étaient déjà présents sur les modèles”, explique Rouxel, “et pouvaient également être ajoutés par les animateurs ou les artistes d’environnement en tant que lignes d’expression ou lignes de vitesse. Ils sont vraiment devenus une partie importante de l’aspect visuel, les personnages semblaient nus sans eux.”
Ces courbes ont été réalisées à l’aide de 3D ribbons dans Maya, puis rendues via Katana. Rouxel précise que Mikros Animation a dû créer un shader pour les courbes afin de préserver leur largeur et leur texture, quelle que soit la distance par rapport à la caméra. “Sans cela, elles devenaient simplement invisibles à plus de 30 mètres de la caméra. La perspective en 3D réduit naturellement tout, mais votre crayon ne devient pas fin lorsque vous dessinez des éléments au loin.”
Enfin, les contours proviennent nativement du toonshader, avec la possibilité pour Mikros d’ajuster leur visibilité et leur épaisseur. Les contours ont aidé à casser les arêtes nettes et propres des objets en 3D, et ils ont été rendus séparément pour la composition.
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